LES TRAVERSÉES DU SAVOIR - SAMEDI 3 ET DIMANCHE 4 JUIN 

 

 

Dans le cadre du festival Quartier du Livre organisé par la Mairie du Vème arrondissement, la librairie vous propose cette année un festival autour des Sciences Humaines : Les Traversées du Savoir.

 

Notre volonté est de mettre en valeur la diversité et la vitalité du secteur des sciences humaines. A l'heure où les problématiques se multiplient, qu'elles soient environnementales, politiques ou sociétales, il nous paraissait indispensable de donner la parole aux auteurs et aux éditeurs qui s'emparent de ces thématiques et proposent des réflexions stimulantes et éclairantes sur tous ces sujets.

 

Profitant d'un cadre exceptionnel - le bas de la rue Mouffetard, face à l'église Saint-Médard - nous installerons une librairie éphémère présentant un choix de livres pertinents sur ces sujets.  

 

Par ailleurs, quelques tentes permettront la tenue de tables rondes, ouvertes librement au public, sur les sujets suivants :

- Nouvelles formes de travail

- Démocratie : comment les citoyens cherchent à se réapproprier la démocratie

- Approches transdisciplinaires du genre

- Biodiversité : enjeux du vivant

- Technologies et innovations à l'ère du numérique et de la décroissance : de l'IA à la Low Tech

- Guerres lointaines, guerres d'ici

 

Participeront à ces débats les auteurs suivants : Danièle Sallenave, Samuel Hayat, Sylvain Venayre, Laurie Laufer, Geneviève Fraisse, Remi Carayol, Nicolas Truong, Quentin Mateux, Gauthier Roussilhe, Jean-Gabriel Ganascia, Philippe Grandcolas, Clémence Guimont, Philippe Boursier, Laurent Polet, Philippe Artières et Coralie Perez, Sophie Rabau.

 

Chercheurs, sociologues, philosophes, psychanalystes ou scientifiques, ils viennent tous d'horizons très variés mais sont tous animés par le désir de défendre leurs idées et interrogations.

 

Les éditeurs conviés sont les éditions Actes Sud, Anacharsis, Anamosa, CNRS, Divergences, Détour, Gallimard, L'Observatoire, La Découverte, Payot, Seuil, Verdier et bien d'autres encore dont nous présenterons leurs récentes publications.

 

Planning des tables-rondes 

RENCONTRE ANIMÉE PAR OLIVIER VILAIN (Journaliste économique et politique depuis plus de 20 ans, il a écrit pour Le Canard enchaîné, Politis, Le Monde diplomatique ...).

* LAURENT POLET Le pouvoir, le bonheur, le climat : le désarroi des cadres (Éditions Le Détour)

Longtemps voués à une carrière toute tracée, les cadres qui forment nos élites, souvent issus des grandes écoles, sont aujourd’hui confrontés à la perte de sens de leur travail. Nos grandes écoles forment depuis des générations une élite intellectuelle — ou au moins économique — vouée à diriger nos grandes entreprises. Une voie royale, dont l’accès reste très exigeant. Les profondes transformations du monde du travail affectent désormais directement cette part de la société qui se sentait — jusqu’à présent — à l’abri. Confrontés à la perte de sens de leur travail, à la réduction de leur autonomie et au déclassement des quarantenaires, aujourd’hui « seniors », ces cadres, ou futurs cadres, se découvrent floués par un modèle qui leur allait si bien. D’autant plus que, formés à être des leaders, ils se voient réduits à devenir les pions d’une économie vorace, mondialisée et polluante dont ils ne partagent plus les valeurs. Il est urgent de transformer ces parcours d’excellence inféodés à la financiarisation, aveugle aux conditions de travail des salariés, aveugle à l’urgence climatique ; en un mot, aveugle au bonheur. Bifurquer est possible, mais beaucoup restent, par obligation ou par choix de changer les choses de l’intérieur. Est-il aujourd’hui possible d’oeuvrer au service de toutes et de tous ?

Ingénieur diplômé de l’école CentraleSupélec, Laurent Polet y est professeur en management depuis 2009. Il est également cofondateur de l’école Primaveras spécialisée dans l’accompagnement des cadres en quête de sens au travail.

 

* PHILIPPE ARTIÈRESLa mine en procès : : fouquières-lès-Lens, 1970 (Éditions Anamosa)

Le 4 février 1970, une explosion à la mine de Fouquières-lès-Lens provoque la mort de 16 travailleurs. S'ensuit une longue mobilisation des mineurs, syndicats, de la Gauche prolétarienne, intellectuels, artistes, ingénieurs et médecins... Cet épisode méconnu est aussi annonciateur de nouvelles modalités de luttes dont les soulèvements contemporains sont héritiers.
Le matin du 4 février 1970, une explosion dans la mine de Fouquières-lès-Lens provoque la mort de 16 travailleurs. S'ensuit une longue mobilisation dont la tenue d'un tribunal populaire à Lens le 10 décembre, sous l'autorité de Jean-Paul Sartre, constitue le point d'orgue. Une multitude d'acteurs prennent part à ce combat : mineurs et syndicalistes, intellectuels et maoïstes de la Gauche prolétarienne... Tels des lanceurs d'alerte, médecins hospitaliers et ingénieurs de l'École des mines, s'appuient sur leur savoir pour dénoncer la condition des mineurs ; un collectif de peintres (parmi lesquels Fromanger et Aillaud) soutient les familles des victimes en réalisant et vendant des oeuvres... Les nombreuses archives présentées dans ces pages, des photos aux affiches, des minutes du procès aux tracts, les voix, les visages, restituent de façon sensible la dramaturgie de l'événement et l'épaisse couche de discours qu'il a généré.
En marge des grandes dates de l'histoire, cet épisode opère ainsi une mutation majeure. La scénographie et les figures bien connues de la longue succession des drames miniers sont bouleversées par de nouvelles modalités d'action, d'inédites prises de parole et un renversement de la violence légitime. Une lutte qui résonne fortement avec certains soulèvements contemporains.

Philippe Artières est historien du contemporain. Directeur de recherches au CNRS, membre de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux de l’EHESS à Paris-Condorcet, il a consacré une partie de ses travaux aux soulèvements des Années 68 et à leurs archives dans une perspective foucaldienne, s’attachant à mettre en évidence les modes de subjectivation à l’œuvre dans ces événements.

 

* CORALIE PEREZ - Redonner du sens au travail (Éditions Le Seuil)

Démissions en chaîne, refus des bullshit jobs, méfiance vis-à-vis des grandes entreprises, préférence pour le télétravail, réhabilitation des activités manuelles, réorientations en milieu de carrière : les questionnements sur le sens du travail n'ont jamais été aussi nombreux. La pandémie a provoqué un débat sur les travailleurs « essentiels », qui sont pourtant moins payés et considérés que les « premiers de cordée ». Quant à la crise écologique, elle impose de réorienter nos emplois. À l'heure où le management par les chiffres a envahi le secteur privé comme la fonction publique, il est crucial de s'interroger sur le contenu et la finalité de nos activités professionnelles. Il fut un temps où l'on cherchait avant tout à occuper un emploi. Aujourd'hui, il se pourrait bien que la priorité soit donnée au sens du travail. C'est là que se produit actuellement une révolution, guidée par les nouvelles exigences sociales et les défis écologiques.

Coralie Perez est socio-économiste, ingénieure de recherche à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du Centre d'économie de la Sorbonne.

RENCONTRE ANIMÉE PAR PERRINE SIMON-NAHUM (Docteure en histoire et spécialiste de philosophie française contemporaine, Perrine Simon-Nahum est directrice de recherches au CNRS et professeure attachée au département de philosophie de l’École normale supérieure. Elle est notamment l’auteure de Sagesse du Politique - Le devenir des démocraties).

 

* DANIÈLE SALLENAVE - Parole en haut silence en bas (Éditions TRACTS)

«Jamais je n'ai eu autant besoin de connaître l'opinion de mes concitoyennes et concitoyens. Jamais je n'ai eu autant besoin de partager avec eux mes interrogations. Sur les attentats, leurs causes, leurs motivations. Sur les caricatures de Mahomet, aussi, disons-le franchement.»L'Innombrable, c'est celui qui ne profite pas de la fameuse liberté d'expression devenue la valeur majeure de la République. C'est celui à qui elle ne s'applique pas. Qui porte un invisible bâillon. Un des noms de ce bâillon est : légitimité. C'est très compliqué, cette question de l'accès à la parole, orale, écrite. De se sentir légitime, ou interdit. Qui la donne, la légitimité ? Et comment vit-on l'illégitimité ? La vraie inégalité est là. Entre ceux qui ont un accès à la parole et ceux qui ne l'ont pas.

* DANIÈLE SALLENAVE - Jojo, le gilet jaune (Éditions TRACTS)

Il y a ce que disent les Gilets jaunes. Il y a surtout ce qu'ils révèlent. Cette manière de parler d'eux, dans la presse, les médias, les milieux politiques, sur les réseaux sociaux ! Une distance, une condescendance, un mépris. Danèle Sallenave Au miroir du mouvement des Gilets jaunes, l'élite politique, intellectuelle, culturelle a laissé voir son vrai visage. Début janvier 2019, le président promet d'éviter ces «petites phrases» qui risquent d'être mal interprétées, mais il rechute aussitôt. Les médias ne devraient pas, dit-il, donner sur leurs antennes «autant de place à Jojo le Gilet jaune qu'à un ministre». Ainsi se révèlent l'étendue et la profondeur de la fracture qui sépare les «élites» des «gens d'en bas». Fracture géographique, économique, politique et sociale. Et surtout fracture culturelle, entre les habitants des grandes villes, et tous les autres. La violence et les embardées de langage de quelques-uns ont jeté le discrédit sur les Gilets jaunes. Il ne faudrait pas qu'une élite, assurée de sa légitimité, en tire argument pour occulter la force d'un mouvement qui a fait entendre une exigence de justice et d'égalité, parfois confuse, mais toujours profondément démocratique. Retrouvant ainsi l'inspiration des grands sursauts populaires qui ont marqué notre histoire.

Danièle Sallenave est l’auteur d’une trentaine de romans, récits, essais et pièces de théâtre. Elle a été élue le 7 avril 2011 à l’Académie française. Très engagée dans la promotion de la lecture auprès des jeunes, elle a fondé et anime l’association «Silence, on lit!».

 

* SAMUEL HAYAT - Démocratie (Éditions Anamosa)

Dans la bouche des puissants, le mot « démocratie » vient qualifier nos régimes, ce qui justement nous distingue des autres, des régimes autoritaires, voire totalitaires. Le mot ici n'est pas faible, il charrie avec lui une puissance de légitimation sans égale. A force d'entendre que nous devrions nous estimer heureux de vivre en démocratie, on pourrait presque penser que le mot démocratie est la seule chose qui nous reste, la seule petite différence à laquelle se raccrocher, alors que les dites démocraties échouent, sur tous les plans. Elles échouent économiquement et socialement, avec des inégalités qui ne cessent de se creuser. Elles échouent politiquement, le pouvoir restant dans les mains d'une petite minorité de personnes. Et les démocraties libérales semblent en bonne voie pour échouer à affronter la catastrophe écologique non pas à venir, mais déjà là.
Face à ce discours de légitimation, le mot démocratie sert aussi à ceux et celles qui justement contestent l'ordre établi, au nom d'un idéal qui resterait à réaliser. Le mot démocratie vient alors qualifier non pas ce qui existe, mais un ailleurs, une utopie peut-être, en tout cas une société qui saurait s'administrer elle-même et où règneraient des rapports plus égalitaires.

Samuel Hayat est chercheur en science politique au CNRS. Il croise les outils de la théorie politique, la sociologie historique et l’histoire des idées pour retrouver la pluralité des sens des concepts centraux de la politique. Pour cela, il met en lumière des controverses historiques, à partir des débats et des textes du passé . 

 

RENCONTRE ANIMÉE PAR MARC CRÉPON (Directeur de recherches au CNRS et professeur de philosophie à l’École normale supérieure. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de philosophie autour des questions de la violence, des langues et de la traduction.)

* SYLVAIN VENAYRE - Les guerres lointaines de la paix : civilisation et barbarie depuis le XIXe siècle (Éditions Gallimard)

Il y avait eu la guerre de Cent Ans et la guerre de Trente Ans et la guerre de Sept Ans. Il y avait eu les guerres de Religion, celles de Louis XIV et celles de la Révolution. Mais, après 1815, un moment insolite avait commencé pour l'Europe:une paix de cent ans. Des guerres de la Révolution et de l'Empire à la Première Guerre mondiale, il y eut bien quelques batailles - Sébastopol, Solferino, Sadowa, Sedan -, mais rien qui n'égalât ce qui se passait en d'autres lieux du monde, de la guerre de Sécession aux États-Unis à cette révolte des Taiping qui fit en Chine peut-être vingt millions de morts. Pendant un siècle, la plupart des hommes et des femmes qui vécurent sur le sol de l'Europe ne connurent pas la guerre. Le XIXème siècle à leurs yeux passait pour un siècle de paix.Pour les historiens, il est devenu pourtant difficile de le considérer comme tel. Les guerres étaient lointaines, mais elles étaient bien là.Ces guerres lointaines d'une Europe en paix donnèrent lieu, dès leur époque, à de très vifs débats. L'avènement des journaux quotidiens, l'apparition des correspondants de guerre, la mise en place du réseau télégraphique, l'invention de l'illustration et de la photographie, le triomphe du roman, l'immense succès du théâtre et des expositions universelles bouleversèrent leurs représentations. Elles ont fait de nous, bien avant les guerres mondiales du XX? siècle, les spectateurs fascinés et velléitaires des souffrances des autres.

Sylvain Venayre est un historien français, spécialiste du XIXᵉ siècle et de l'histoire des représentations, professeur d'université. Il est également essayiste et scénariste de bande dessinée.

 

* NICOLAS WERTH - Poutine, historien en chef (Éditions TRACTS)

Le 24 février 2022, l'opinion mondiale découvre avec stupeur le discours de Vladimir Poutine justifant l'invasion de l'Ukraine, au prétexte de faire cesser un «génocide» exercé par un régime qu'il convient de «dénazifer». Cette extraordinaire falsification de l'histoire s'inscrit dans le droit fil du grand récit national construit au cours des vingt dernières années par Vladimir Poutine et dont l'ONG Mémorial fit les frais en 2021. Ce récit, exaltant la grandeur d'une «Russie éternelle» face à un Occident agressif et décadent, n'admet aucune contestation pour servir les intérêts géopolitiques d'un régime dictatorial et répondre aux attentes d'une société désorientée suite à l'effondrement du système soviétique. Ce Tract éclaire les origines de cette distorsion des faits historiques et la façon dont elle est mise en oeuvre pour légitimer la première guerre du XXI? siècle sur le continent européen.

Nicolas Werth est un historien français spécialiste de l’histoire de l’Union soviétique. Il est directeur de recherche à l’Institut d'histoire du temps présent, affilié au CNRS.

 

* RÉMI CARAYOL - Le mirage sahélien (Éditions de La Découverte)

L'intervention militaire engagée par la France au Sahel tourne au fiasco. Lancée en janvier 2013, l'opération Serval ressemblait au départ à une success story. Les quelques centaines de djihadistes qui avaient pris le contrôle des principales villes du Nord-Mali furent mis en déroute. Des foules en liesse, brandissant ensemble les drapeaux français et malien, firent un triomphe à François Hollande lorsqu'il se rendit à Bamako.
Tout cela n'était pourtant qu'un mirage. En quelques mois, l'opération Barkhane, qui prend le relais de Serval en juillet 2014, s'enlise. Les djihadistes regagnent du terrain au Mali et essaiment dans tout le Sahel : des groupes locaux, liés à Al-Qaïda ou à l'État islamique, se constituent et recrutent largement, profitant des injustices et de la misère pour se poser comme une alternative aux États déliquescents. Au fil des ans, la région s'enfonce dans un chaos sécuritaire et politique : les civils meurent par milliers et les coups d'État militaires se multiplient. Impuissante, la France est de plus en plus critiquée dans son " pré carré ".
L'armée française, imprégnée d'idéologie coloniale et engluée dans les schémas obsolètes de la " guerre contre le terrorisme ", se montre incapable d'analyser correctement la situation. Prise en étau entre des décideurs français qui ne veulent pas perdre la face et des dirigeants africains qui fuient leurs responsabilités, elle multiplie les erreurs et les exactions. Des civils sont tués. Des informateurs sont abandonnés à la vengeance des djihadistes. Des manifestations " antifrançaises " sont violemment réprimées.

Rémi Carayol, journaliste indépendant, couvre l'actualité du Sahel depuis dix ans. Il coordonne le comité éditorial du site d'information Afrique XXI et écrit régulièrement dans Mediapart, Le Monde diplomatique et Orient XXI.

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