Ce court texte est un écrin qui renferme un pur bijou ! De la rencontre d’une femme, Mariette, effacée, encombrée, qui s’est toujours pliée à la fatalité parce que « des fois que ...» avec une jeune fille, timide et bouillonnante, dans un hameau perdu va se nouer une une amitié imprévue, durable autour d’un jardin qui tient le rôle d'entremetteur d’où va éclore une relation fragile et intime qui marque à jamais.
La description de ce jardin, avec son cycle de vie, ses odeurs, ses couleurs est de toute beauté. L’écriture dépouillée, et d’une délicate poésie d’Anne Guglielmetti suscite un émoi qui vous transperce.
Il est ici question d’urbanisme, c’est à dire d’un "projet sous-tendu par une volonté d'assurer le bien-être de l'homme et d'améliorer les rapports sociaux en préservant l’environnement". Toute la question de ce roman est de savoir si ce projet doit nécessairement relever d’un idéal politique ou plutôt de la pratique d’une intelligence populaire et collective ? C’est par le biais de la fiction que les trois écrivains nous donnent matière à réflexion sur ces enjeux démocratiques ultra-contemporains en mettant en scène différents personnages pour multiplier les angles et les points de vue, déconstruire les stéréotypes associés à la banlieue et prendre de la hauteur sur ces sujets d’actualité. La lecture de Boulevard de Yougoslavie offre une grille de lecture aux questions liées à notre vie en collectivité et nous rend davantage clairvoyant.e.
Ce roman délicat et plein de sensibilité met en scène l’histoire universelle des liens familiaux, de l’héritage culturel, de la transmission,… et du deuil au côté d’un homme, Salomon, à l'humour mordant et à la mélancolie touchante sous la plume pleine de finesse et de pudeur de Joachim Schnerf. Une histoire où l'ironie le dispute à l'émotion, touchante et inoubliable !
Bouleversant et émouvant ! Le roman de Jim, c’est une histoire ordinaire, d’une paternité involontaire, de ces hasards qui tracent une vie. Aymeric voit sa vie se faire plus qu’il ne la décide. Une vie ordinaire, faite de bonheurs simples, toute centrée autour de cet enfant Jim, celui d’un autre, dont il tombe fou amoureux…jusqu’à cet arrachement vécu comme un abandon, créant une béance en lui ...et une profonde tristesse pour nous, à nous fendre le cœur. Si son narrateur semble agir avec un coup de retard, par naïveté, manque de confiance ou peur de blesser, il nous le rend d’autant plus attachant, humain et touchant. Dans ce nouveau roman, Pierric Bailly signe un magnifique mélodrame sur l’absence, les regrets, la précarité, en créant une atmosphère qui oscille jusqu’à la dernière page entre tension et émotion.
Un chef d’oeuvre sorti de l’oubli pour notre plus grand bonheur ! Tout au long d’un été, on déambule dans les rues et les milieux intellos de Rome de la fin des années 60 au côté de Leo Gazarra, jeune journaliste sportif, qui traine sa mélancolie, son désoeuvrement avec un certain panache et une ironie mordante, jusqu’au jour où Adrianne, jeune femme exubérante, vient bousculer son quotidien et pourrait donner un autre sens à sa dérive existentielle. Une écriture aussi élégante que désuète, Gianfranco Galligarich nous enchante avec un sens affûté de la formule, un roman solaire !
Zones à risques d’Olivier Bodart, qui signe ici un premier roman fascinant, entremêle la fiction et le réel. La fiction, c’est ce roman tout en tension autour de Mat Check, analyste à la FEMA, ayant pour responsabilité de se rendre sur des zones accidentées par les caprices de la nature et d’établir un rapport pour y décréter l’état de catastrophe naturelle… Hors, Mat Check sait-il rendu sur ces zones à risques ? Rien n’est moins sûr… En revanche, l’auteur, le créateur de ce personnage, décide lui de se rendre sur les lieux de sa fiction, de rencontrer les témoins, les victimes de ces drames, d’observer ces zones et de s’en imprégner. De cette plongée dans un décor de pure fiction au centre de la carte des Etats-Unis, Olivier Bodart interroge, digresse, établit des liens, se confronte à des situations insolites tout cela émaillé d’une bonne dose d’érudition autour de réflexions sur l’art, l’architecture, la frontière entre réel et fiction… et c’est passionnant !
Dans ce roman magnétique et ténébreux, il suffit de quelques lignes pour nous plonger dans ce pays de marais, visualiser les lieux, s’imprégner d’un décor, percevoir les couleurs, sentir les odeurs de cette contrée isolée. Dans Ceux des marais, Virginie Barreteau s’attache à faire (re)vivre une communautés d’individus aussi taiseux que braves, d’une vaillance et d’une solidarité exemplaires pour faire face aux caprices du temps et aux tragédies humaines. Un premier roman singulier, troublant et envoûtant, la signature d’une magnifique plume !
Un récit court mais intense, une lecture qui vous laisse émerveillé.e. Le narrateur François retrouve Jean, son ami d'enfance avec lequel il passa plusieurs étés dans les montagnes pyrénéennes. Dans une langue étonnante de justesse et pleine de poésie, il revient sur cette merveilleuse amitié qui les lia, sur le temps suspendu des vacances d'été. Au milieu du dernier de ces étés apparaît Geneviève, la sœur de Jean. Un drame se noue. On n'en dira pas plus de l'intrigue, ni de l'évocation magique des premiers émois qui transformèrent François à tout jamais. C'est simple, magnifique, émouvant et pleinement réussi.
Un voyage extraordinaire dans la Sibérie d'hier et d'aujourd'hui. À la recherche des pianos perdus, de l'Oural à Sakhaline, de l'extrême nord à la frontière mongole, Sophy Roberts partage avec nous des rencontres marquantes, accordeurs, descendants de familles reléguées dans ces lointains inhospitaliers, aventuriers ou vieux croyants, gardiens de la mémoire ou partisans de l'oubli. Jamais l'attention ne se relâche, happée par de multiples histoires, des destins singuliers, de magnifiques descriptions de paysages. Dans les pas de Bering, Tchekhov et tant d'autres, sur les chemins accidentés d'un pays sans limites, elle écrit une déclaration d'amour à la Sibérie, à ses habitants et à la musique qui toujours y eut sa place.
Marta, toute jeune fille, rencontre Arthur, professeur de seize ans son aîné. Il représente pour elle une chance de quitter sa mère toxique, elle pense en être amoureuse. Mais c'est la haine qui liera ses deux êtres, et pour longtemps. Alors, quand après quarante de vie commune, Marta découvre Arthur mort dans son lit, la rage l'envahit, et la vengeance s'accomplit, quand tout ce qui l'a empêchée de vivre, qui l'a conduite au bord de la folie, doit être détruit. Un premier roman où la cruauté des relations humaines et la solitude tiennent le premier rôle, un regard clinique et sans pitié sur la décomposition d'un couple.
Pense aux pierres sous tes pieds est un conte aux accents poétiques qui fait naître des sourires, mêlant le malheur à l'incongru et au cocasse. Plaidoyer pour la liberté, ce roman d’apprentissage intemporel - parce qu’il ne se situe nulle part ou partout - dessine un portrait en creux des grandes mutations du monde, de la détresse des gens de la terre, des enfances volées, de l'arbitraire des politiques, des mirages de la modernité. Au milieu de cette noirceur, Antoine Wauters trace des traits de vie et de lumière, la beauté de la terre, la vaillance des hommes, la quête d’un amour absolu, l’élan de liberté d’où se dégage un optimisme forcené. La langue d’Antoine Wauters est unique, elle tranche dans le paysage littéraire et fait de ce texte un grand et beau roman !
Porté par une plume qui maîtrise l’art, Mika Biermann s’empare de la figure de Berthe Morisot en s’appuyant sur un événement biographique pour composer une fresque de vie imaginaire. Ces trois nuits à la campagne vont révéler à la peintre sa part sensorielle et sensuelle, et la libérer des conventions bourgeoises pour déployer librement sa vitalité créatrice. À travers ce texte, Mika Biermann mène subtilement une réflexion sur la représentation du sexe (masculin et féminin) dans les arts. Subversif, incisif, voluptueux et poétique, un délice !
Raphaël Krafft, reporter, est parti enquêter dans la vallée de Névache (Hautes-Alpes), voie d'accès à la France pour les migrants venus d'Afrique. Les habitants de cette vallée surveillent leur passage pour leur porter assistance et les soustraire à la surveillance des forces de police. L'auteur est ensuite allé en Guinée, d'où viennent nombre de ces migrants, pour comprendre les raisons de leur exil. Il analyse avec finesse les efforts faits par les Européens pour apporter une aide économique à ces peuples démunis. Un reportage passionnant !
Pendant ses vacances dans un petit village d'Angleterre, une jeune fille disparaît. La police et les journalistes investissent les lieux, et s'en vont, aucune trace, aucune piste. Le roman est celui de son absence et du temps qui passe : chronique précise et poétique des minuscules changements qu'apportent les saisons, de la vie quotidienne des habitants. À partir d'un fait divers dramatique, le livre se fait l'écho de ce qui façonne leurs existences, le jardin communal, les oiseaux, la renarde et ses petits, l'ennui parfois, les petits secrets et les trahisons, les départs et les retours. Pendant treize ans, autant que de chapitres, certains diront qu'il ne se passe rien. C'est l'inverse, juste la vie, qui ne peut pas ne pas continuer, malgré tout. Un très beau roman.
À l'invitation de son éditeur, Brice Matthieussent parcourt quelques villes américaines, de Dallas à Pittsburgh, de Austin à New-York. Entremêlant humour et réflexions sur l'immensité et la solitude des espaces américains, il revisite les clichés que nous pouvons avoir sur les États-Unis et nous faire découvrir également les laissés-pour-compte de la réussite américaine et l'envers de l'Amérique de Donald Trump. Un voyage passionnant par ce traducteur talentueux des plus grands écrivains américains !
On avait beaucoup aimé son précédent livre, Ordesa, prix Femina 2019 qui nous plongeait dans la vie d'une famille des classes moyennes de l'Espagne des années 1980. On retrouve dans ce nouvel opus le narrateur qui continue de s'interroger sur son existence, son quotidien, les souvenirs qu'il a de ses parents. Il affronte son double maléfique Arnold (comme Schönberg) mais fort de son récent succès et de l'affection de ses proches, tous affublés de noms de musiciens, il découvre la joie de vivre vers laquelle nous tendons tous. Un livre lumineux et joyeux !
C’est un journal de deuil de l’être aimé, la fin de sa vie, sa mort et l’année qui suit. « La Première année » est un récit qui vous étreint, vous serre la gorge et qui dégage une beauté des sentiments bouleversante. Jean-Michel Espitallier parvient à transcrire la singularité de ses émotions pour les inscrire dans une forme d’infini ainsi que la confusion des sensations pour révéler leurs fragilités avec une acuité et une pudeur qui vous touchent au plus profond. Certainement une des plus belles déclarations d’amour de la littérature française….
D’une écriture élégante et pleine de poésie, nous accompagnons les déambulations dans New-York de Ray(mond), parsemées de ses souvenirs d’Oran et dont la vie de doorman, discrète et contemplative, se nourrit de rencontres et d’amitiés fidèles, de balades amoureuses pour cette ville vibrante où se croisent toutes les origines et tous les destins individuels. Madeleine Assas restitue admirablement l’ambiance, les lieux et les sensations de cette ville-monde. Portrait d’une ville, portrait d’une vie, on s’attache au fil de la lecture à Ray comme à un ami qu’on aimerait avoir à ses côtés tant il nous touche par son attention, sa bienveillance et sa sagesse… Et on savoure ce roman le sourire aux lèvres. Un délicieux voyage littéraire à partager !
Un dimanche à Ville D’Avray, Dominique Barbéris fait se confier deux sœurs que le temps a éloignées. D'une plume aussi précise et sensible que malicieuse et impressionniste, la romancière raconte les tiraillements de ses personnages, entre désir et doute, curiosité et peur. Roman en clair-obscur, il se dégage de ce court texte une singulière ambiance d’inquiétude qui laisse planer en nous un trouble de ce qui aurait pu être et qui n'a pas été. Entre Chabrol et Modiano, Dominique Barbéris charme avec ce roman qui se fait délicat et profond...
Véritable portrait en creux du monde judiciaire et carcéral, entre roman d’apprentissage et documentaire. On suit, dans ce roman aux multiples facettes, un jeune juge d’instruction qui voit ses convictions vaciller tout au long de l’instruction d'un dossier laissé en suspens. L’écriture d'Antoine Bréa impressionne par sa capacité à nous entraîner au coeur d'une enquête labyrinthique, à l’atmosphère quasi oppressante. Ses personnages, et en premier lieu le narrateur, sont finement incarnés pour nous immerger dans un univers aux codes bien définis sans nous égarer et nous inviter à nous interroger habilement sur les collusions entre politique et juridique. Une réussite
Brighton, fin des années 50. Le spectacle de magie créé par Jack, le maître de cérémonie, Pablo le magicien et Evie sa très belle assistante attire la foule des estivants. Entre ces trois enfants de la balle, au-delà d'un travail acharné et des répétitions, c'est le grand jeu de l'amour qui se trame, tours et détours, illusions et désillusions, apparitions et éclipses. Graham Swift, dans ce roman enchanteur, nous offre la mélancolie du temps qui passe, le petit monde merveilleux de la prestidigitation où la réalité s'efface au profit du merveilleux, l'évocation nostalgique d'une Angleterre où la pluie et la brume de fin d'été ont la douceur du souvenir d'une époque révolue.
Un roman policier drôle où les personnages, les situations et l'intrigue sont à elles seules de purs moments de fous rires. Avec Qui a tué l’homme homard? J.M Erre nous offre un récit décalé, déjanté extrêmement bien tenu et d’une ironie mordante !
C’est l’histoire de Vicente Rosenberg, polonais immigré à Buenos-Aires, qui assiste impuissant et désarmé à l’horreur qui se joue à 12 000 kms de là, dans le ghetto de Varsovie et à la destruction de sa famille, de son peuple. De cette culpabilité impossible à dépasser, Vicente va se plonger dans un mutisme qui l’accompagnera toute sa vie. Avec pudeur, justesse et intelligence, Santiago H. Amigorena retrace la vie de son oncle et nous interroge sur la question de la culpabilité, de l’exil et de l’identité. Un récit profondément bouleversant et émouvant.
Surie, membre de la communauté juive orthodoxe de Wiliamsburg, tombe enceinte de jumeaux à 57 ans. Comment l’annoncer à Yidel, son mari, à ses enfants, ses petits-enfants ? Que va penser son entourage pétri de traditionalisme ? On suit avec tendresse et empathie les atermoiements de cette femme aimante, douce et généreuse dont la grossesse réveille en elle le secret qui entoure son fils Lipa. Questionnant avec sensibilité et justesse la question du péché, Goldie Goldbloom signe un roman d’émancipation piquant, subtilement féministe et plein d’amour.