Où est l'enfance ? Des jours écouléset vécus, il devrait de temps en temps jaillir une image lumineuse,une fulgurante réminiscence.
Mais rien ne surgit. Rien ne triomphedu désir d'oubli.
Y. R.
Voici pour la première fois réunie en un seul volume l'oeuvre de dramaturge de Yasmina Reza. Conversations après un enterrement, La Traversée de l'hiver, « Art », L'Homme du hasard ont en quelques années imposé sur la scène française un auteur singulièrement actuel, dont les huis clos - train, hôtel ou living - sont autant de comédies subtiles et décapantes, d'un ton profondément moderne. Les oeuvres de Yasmina Reza sont à présent jouées et applaudies dans de nombreux pays.
Yasmina Reza Une désolation «Tu me bravais avec cette ridicule soif d'absolu qu'ont les gens de cet âge et je me disais, le petit est véhément à souhait, il sortira du lot. Mais tu n'es sorti de rien. Les vapeurs de jeunesse passées, tu as repris ta place dans la moyenne. Plus trace d'insurrection. Plus trace de vengeance. Tu as si vite craint pour ta peau, mon pauvre enfant. Comme la cohorte de tes amis les veules, tu sais que tout geste se paye, aussi as-tu choisi d'emblée de ne plus te signaler. Ecarter la souffrance, tel est votre horizon. Ecarter la souffrance, vous tient lieu d'épopée.»
Un rêve : le père de l'auteur rencontrant Beethoven au paradis, et celui-ci furieux qu'il joue si mal son adagio.
Un visage : celui de sa fille, souriante à l'âge où il manque des dents.
Quelques mots d'Aimé Césaire qui la rendent triste : "un morne en haut..." De ces instants vécus, anecdotes, petits faits, souvenirs, est fait ce livre, autoportrait formidablement sincère, où la dramaturge, auteur d'Art et de Conversations après un enterrement, va au plus profond d'elle-même, de ses perceptions et de ses sentiments les plus singuliers, les plus irréductibles. Avec une hantise : le temps, sa lenteur destructrice, et face à lui le refus de la résignation, le goût du combat.
Cette sensibilité exceptionnelle de finesse et d'exigence, Yasmina Reza la traduit dans une écriture rigoureuse et imagée qui fait de beaucoup de ces fragments de véritables poèmes en prose.
On attend la chronique intime et douce de l'auteur à succès, et l'on découvre un texte éclaté, qui creuse l'angoisse du temps qui passe et l'impatience devant le temps qui ne passe pas, fouaille l'insatisfaction, travaillé par une sorte de joie qui préférera toujours la cruauté à la banalité. Marc Weitzmann, Les Inrockuptibles.
le maître de mon mari a étranglé sa femme, lui se contente de laisser sa main choir au bout de l'accoudoir, de façon lamentable et flétrie. mon mari n'a pas de radicalité. c'est un disciple. la génération de mon mari a été écrasée par les maîtres.
y.r.
Yasmina Reza Adam Haberberg « Un beau jour on s'assoit et ça y est, on se fout d'être Adam Haberberg. » Y. R.