« Mon inquiétude égale mon impatience. Je ressens un doute, la création est comme un miracle, et le doute est conséquence de l'incertitude du miracle. » Un moine bâtisseur est chargé de la construction de l'abbaye du Thoronet. Une oeuvre qu'il veut pure, vraie, réelle. Jour après jour, il décrit la vie du chantier entre travail harassant et discipline de fer, les difficultés techniques, la lente marche vers l'édification du lieu saint. Les doutes assaillent l'architecte. Pour parvenir au chef-d'oeuvre distingué entre mille, il faut allier l'expérience du métier et la spontanéité de l'art, apprivoiser l'inconnu. La création est, d'abord, un acte de foi.
Dans une chambre où il s'est réfugié à Fiesole, un évadé parle. Il est recherché par toutes les polices du monde. Il s'appelle Fernand Pouillon.
Sa réussite a été sensationnelle ; il a couvert de ses chantiers la France, l'Algérie, l'Iran. Et finalement, le CNL - sombre « affaire » - l'a plaqué au sol.
Livré par la presse en pâture à l'opinion publique, il veut à son tour, sans contrainte, dire sa vérité, dire tout : ses débuts à Marseille, les étapes d'une carrière fulgurante, les hommes qu'il a affrontés, les succès qui lui ont révélé sa solitude intérieure, les avanies qui l'ont forcé jusqu'en son recreux.
Le récit continue en prison : c'est le journal d'un « grand procès » où l'on découvre l'envers du décor...
Depuis lors, le bâtisseur a repris son oeuvre ; il a fait sortir de terre des dizaines de chantiers. Mais ceci est une autre histoire.
Fernand Pouillon est décédé le 24 juillet 1986.
Au cours d'entretiens pour la première fois réunis ici, Fernand Pouillon aborde les thèmes qui lui sont chers, l'architecture, la ville, l'histoire, l'Islam, la maîtrise de l'ouvrage, avec toujours son franc-parler et jamais trace de rancoeur. Est-ce la singularité de sa démarche, totalement à l'écart du courant moderne et du courant traditionnel ? La force de caractère nécessaire pour maintenir un cap aussi personnel ? Ou tout simplement la pertinence de son jugement ? Toujours est-il que ses réflexions, ses appréciations, ses critiques sont d'une pertinence qui les rend toujours actuelles.