Pure coïncidence sans doute, l'art brut s'invite sur nos tables en cette fin d'année totalement folle avec de belles et riches publications où les angoisses, les obsessions, les fascinations, les illuminations d'êtres tourmentés, reclus, perdus, se traduisent en oeuvres fulgurantes qui font écho au plus profond de nous-mêmes, joyeusement ou douloureusement.
Écrire, dessiner, sculpter, peindre : ce sont ici les langages du silence. Et si elle était seulement là, la liberté d'expression ?
L'art brut n'est donc pas "l'art des fous". À côté des créations associés aux asiles psychiatriques -étudiées dès les années 1920 par le docteur Hans Prinzhorn -et l'art médiumnique, se rangent celles de "l'homme du commun" selon Dubuffet - celui qui est en dehors des circuits artistiques.
Hier confidentiel, aujourd'hui consacré, instituionnalisé et médiatisé, l'art brut a une histoire et la réalité qu'il recouvre échappe à son inventeur et théoricien. D'autres appellations ont vu peu à peu le jour, correspondant à la démarche de nouveaux amateurs et à leur souci de baliser le territoire (hors normes, singuliers, outsider, habitant-paysagiste ...). Outre l'ouverture à de nouveaux champs de prospection, l'interaction avec l'art contemporain, dans une perspective de décloisonnement et d'élargissement, est une mise à l'épreuve de la notion d'art brut.
Les créations de "l'art brut" sont davantage des énigmes que des productions qui se laisseraient facilement appréhender par notre conceptualité. Aloïse, Wöfli, Darger, Walla, Zinelli, Traylor, Sawada nous fascinent, nous touchent, nous éprouvent sans que nous puissions établir un rapport formel entre eux. L'enjeu est ailleurs. C'est dans le grand créateur d'art brut, le hors norme, le marginal, que nous voyons l'homme accompli et victorieux. Cet "Autre" de la culture ne réalise-t-il pas les possibilités les plus hautes de l'homme, l'héroïque construction de soi, son humanisation, finalement la fin véritable qu'est la culture ?
Le Musée d'Art Moderne de Paris consacre à Victor Brauner (1903-1966), figure singulière du surréalisme, une importante monographie regroupant plus d'une centaine d'oeuvres, peintures et dessins.
En 1945, l'artiste français Jean Dubuffet invente l'oxymore «Art Brut» pour désigner les oeuvres réalisées par des autodidactes en marge du circuit officiel. Ayant réuni ces travaux sous forme de collection, il fera don de cet ensemble en 1971 à la Ville de Lausanne, qui inaugure la Collection de l'Art Brut en février 1976.Cet ouvrage, publié à l'occasion des quarante ans du musée, revient sur la naissance de l'institution lausannoise et sur les moments clés qui ont jalonné son développement.Il met également en lumière la première manifestation hors les murs de la Compagnie de l'Art Brut, intitulée «L'Art Brut», et présentée en 1949 à la galerie René Drouin, à Paris.Revisiter cet événement permet d'en mesurer l'audace et toute la portée critique pour l'époque.