Filtrer
Le 12 février 1984, à Paris, disparaissait l’auteur franco-argentin Julio Cortázar
Écrivain majeur du XXe siècle, auteur de quelques romans, dont le culte et singulier Marelle, et de très nombreuses nouvelles, dont de purs chefs-d’oeuvre comme L’homme à l’affût – époustouflant récit consacré à Charlie Parker - ou les célèbrissimes Axolotl (du Jardin des Plantes voisin), Julio Cortázar (1914-1984) reste encore trop méconnu du grand public, peut-être à cause de l’ombre portée par son compatriote et contemporain Borges, surtout parce qu’aucune biographie n’aura été mise en œuvre en France. Pourtant, c’est une sacrée vie qu’il a menée !
Au carrefour de l’esthétique du réalisme magique, de l’imaginaire surréaliste, de l’expérimentation littéraire et d’une fantaisie ludique, son œuvre déroute, percute, enchante, fascine. De la grande littérature qui, tel un grand whisky, pénètre l’esprit en profondeur avant même que la conscience n’en perçoive les saveurs.
Nous espérons qu’à travers notre sélection de ses livres, des rencontres définitives adviendront.
-
«Marelle est une sorte de capitale, un de ces livres du XX? siècle auquel on retourne plus étonné encore que d'y être allé, comme à Venise. Ses personnages entre ciel et terre, exposés aux résonances des marées, ne labourent ni ne sèment ni ne vendangent : ils voyagent pour découvrir les extrémités du monde et ce monde étant notre vie c'est autour de nous qu'ils naviguent. Tout bouge dans son reflet romanesque, la fiction se change en quête, le roman en essai, un trait de sagesse zen en fou rire, le héros, Horacio Oliveira, en son double, Traveler, l'un à Paris, l'autre à Buenos Aires. Le jazz, les amis, l'amour fou - d'une femme, la Sibylle, en une autre, la même, Talita -, la poésie sauveront-ils Oliveira de l'échec du monde ? Peut-être... car Marelle offre plusieurs entrées et sorties. Un mode d'emploi nous suggère de choisir entre une lecture suivie, "rouleau chinois" qui se déroulera devant nous, et une seconde, active, où en sautant de case en case nous accomplirons une autre circumnavigation extraordinaire. Le maître de ce jeu est Morelli, l'écrivain dont Julio Cortazar est le double. Il cherche à ne rien trahir en écrivant et c'est pourquoi il commence à délivrer la prose de ses vieillesses, à "désécrire" comme il dit. D'une jeunesse et d'une liberté inconnues, Marelle nous porte presque simultanément au paradis où on peut se reposer et en enfer où tout recommence.» Florence Delay.
-
L'homme à l'affût : à la mémoire de Charlie Parker
Julio Cortázar
Coup de coeur- Folio
- Folio 2 Euros
- 14 Mai 2002
- 9782070423149
Un écrivain accompagne la lente déchéance d'un saxophoniste de génie, détruit par l'alcool et la drogue, Johnny Carter. Des studios d'enregistrement de Baltimore avec Miles Davis au Saint-Germain-des-Près dans les années 50, des hôtels miteux aux nuits dans les clubs de jazz, des délires paranoïaques aux fulgurances créatrices, Julio Cortazar nous offre un texte bouleversant en hommage à un des plus grands musiciens de jazz, Charlie Parker.
-
Qui de nous ne s'est jamais trouvé pris dans un embouteillage? Qui n'a tenté de tuer le temps en observant les passagers des voitures voisines, en essayant de gagner quelques mètres sur eux et en échangeant des pronostics, bons ou mauvais, sur le développement de la situation? Mais que se passe-t-il si l'embouteillage dure des jours, des semaines, des saisons? C'est ce que Cortazar imagine dans L'autoroute du Sud, la première des huit nouvelles de ce recueil. En décrivant les rapports de solidarité et de peur, de tendresse et de hargne qui s'établissent entre les victimes de cet «état de siège» moderne, c'est toute une nouvelle sociologie - tantôt drôle ou tendre, tantôt tragique - qu'il invente au cours des péripéties.Ainsi, dans l'admirable Autre ciel, l'on voit le protagoniste circuler avec la plus grande aisance entre le passage Güemès à Buenos Aires, où il laisse sa fiancée Irma à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et la galerie Vivienne à Paris, où il retrouve la prostituée Josiane à la fin de la guerre de 70... Dans la nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage, le parallélisme de deux séries temporelles nettement distinctes brise résolument la succession linéaire du temps, comme la structure euclidienne de l'espace, pour atteindre à une vérité plus humaine...Pour Julio Cortazar, rien, en effet, n'est plus inquiétant que la plus banale des réalités, et la trame du quotidien est tissée de signes insolites, pour qui sait les lire.
-
Des dieux sanglants et féroces surgis d'un passé lointain, l'impossible métamorphose d'un homme en bestiole aquatique, le public survolté d'un concert qui finit par dévorer le chef d'orchestre et les musiciens... et tant d'autres nouvelles où la vérité se craquelle et tend vers le fantastique, où Cortazar est, comme écrit Mario Vargas Llosa, «voyant qui détecte l'insolite dans l'habitude, l'absurde dans la logique, l'exception dans la règle et le prodigieux dans le banal».
-
«C'est drôle, les gens croient que faire un lit, c'est toujours faire un lit ; que donner la main, c'est toujours donner la main ; qu'ouvrir une boîte de sardines, c'est ouvrir indéfiniment la même boîte de sardines. Tout est exceptionnel, au contraire, pense Pierre en tirant maladroitement sur le vieux couvre-lit bleu. La seule chose qui ne change pas, c'est que je n'arriverai jamais à donner à ce lit un aspect présentable.» En cinq nouvelles, Julio Cortazar révèle la face démesurée, sublime ou horripilante du quotidien. De l'inoubliable portrait d'un musicien de jazz dans L'homme à l'affût aux Fils de la vierge qui inspira le film Blow-up d'Antonioni, il mêle avec brio le rêve à l'état de veille. Ce recueil fait partie des oeuvres majeures de la littérature latino-américaine.
-
«Ces jeudis-là à la tombée de la nuit quand Lemos m'appelait après la répétition à Radio Belgrano et entre deux Cinzanos ses projets de nouvelles pièces, devoir l'écouter alors que je n'avais qu'une envie, partir dans les rues et oublier les dramatiques pour deux ou trois siècles, mais Lemos était l'auteur à la mode et me payait bien pour le peu que j'avais à faire dans ses programmes, des rôles plutôt secondaires, et en général antipathiques.»
-
Manuel est un bébé latino-américain de Paris. Ses parents et leurs amis s'efforcent de lui bâtir un monde plus humain, plus riche, mais surtout plus drôle. Ils lui fabriquent un livre de lecture où se côtoient les informations les plus variées, allant du sinistre à l'insolite, car ces révolutionnaires tiennent avant tout à garder le sens de l'humour. «Ce qui compte, ce que j'ai essayé de raconter, c'est le geste affirmatif face à l'escalade du mépris et de la peur, et cette affirmation doit être la plus solaire, la plus vitale de l'homme ; sa soif érotique et ludique, sa libération des tabous, son exigence d'une dignité partagée.»